Ode à la fanfiction : pourquoi c’est bien ?

30 novembre 2021

En tant qu’auteur, j’ai un parcours qui semble, encore aujourd’hui, particulier. Pourtant, de plus en plus d’auteurs ont débuté ainsi, pour le meilleur et parfois pour le pire. Vous l’aurez deviné : je viens du milieu de la fanfiction. J’en ai écrit pendant plus de dix ans, et j’en écris toujours !

Il y a deux opinions générales face à la fanfiction. Certaines personnes, dont des auteurs célèbres, les encouragent fortement et les voient avec bienveillance. D’autres jugent ce type de littérature avec un mépris non dissimulé. D’autres encore ne savent pas du tout ce qu’est la fanfiction.

J’ai cité trois catégories ? J’espère vous convaincre que les deux dernières n’en forment en réalité qu’une seule ! À mon sens, il faut avoir une vision très biaisée ou incomplète des fanfictions pour en penser du mal. Ce n’est que mon avis, mais peut-être puis-je vous apporter quelques pistes de réflexions, si vous êtes de ceux qui regardent cette passion d’un œil moqueur ou condescendant.

Késsécé la fanfiction ?

Prenons un exemple, afin que tout le monde comprenne.

Imaginons qu’il existe une saga de livres nommée Les Aventures Trépidantes de Trucador le Marionnettiste.

Cette saga rencontre un succès moyen, pas fulgurant, mais ses quelques fans, issus de toutes les tranches d’âge, sont absolument fas-ci-nés par l’univers que l’auteur a réussi à construire en seulement 15 livres de 500 pages ! Plus important encore : ils trouvent les personnages très attachants, et s’identifient volontiers à Trucador et ses amis… Ainsi qu’aux antagonistes, réalistes et profondément humains, en dépit de leurs viles actions.

Mais que faire en attendant le 16ème tome des Aventures Trépidantes de Trucador le Marionnettiste ? Vous êtes fan. Vous n’arrêtez pas d’y penser. Vous voulez vous replonger dans cet univers, mais vous avez déjà lu les 15 tomes au moins trois fois et la perspective de les relire vous fait doucement lever les yeux au ciel. Pas que vous ne les aimez pas, mais vous les connaissez par cœur, ils n’apportent plus le frisson de la nouveauté !

Pour ne rien arranger, vous vous posez plein de questions. Que va-t-il arriver à Trucador ? Que s’est-il passé pour son fidèle comparse Ehbehdidon le Barde, durant son absence pendant les tomes 7 à 9 ? N’y avait-il pas un moyen que Machinchouette la Mécanicienne reste en vie au lieu de se sacrifier durant le tome 2 ? Et au fond… le méchant, Patatrac le Comédien… On est d’accord, il fait tout ça parce qu’il est secrètement amoureux de Trucador !

Ça y est. Vous sentez le bout de vos doigts vous picoter. Avant de vous en rendre compte, vous êtes en train de rédiger une histoire qui se passe dans l’univers des Aventures Trépidantes de Trucador le Marionnettiste.

Voilà : vous êtes en train d’écrire une fanfiction.

Cet exemple est un peu cliché, mais il définit bien le terme : une fiction écrite par des fans. L’œuvre d’origine peut être un livre, mais aussi une série, un jeu vidéo, un film, …

Les auteurs de fanfictions peuvent rester dans l’univers construit par l’auteur, ou bien transposer les personnages dans un autre monde : Et si Trucador était un lycéen ordinaire au lieu d’un marionnettiste ? Et si l’histoire se passait dans le Japon féodal du XIème siècle ? Les possibilités sont infinies !

Mais alors, pourquoi c’est bien ?

Nous avons déjà abordé l’aspect principal, celui qui incite généralement les gens à lire et à écrire de la fanfiction : faire vivre l’univers un peu longtemps.

Je fais partie des gens qui pensent qu’une bonne histoire repose sur des personnages bien construits. Lorsque ces personnages sont suffisamment vivants aux yeux d’un lecteur, celui-ci a parfois envie de les voir évoluer dans un contexte différent, ou même d’imaginer ce que donnerait la dynamique entre deux personnages qui ne se rencontrent pas dans l’univers original de l’oeuvre (ce qu’on appelle le « canon »).

Généralement, c’est pour l’une de ces deux raisons qu’une personne franchira les portes de la fanfiction. Néanmoins ils resteront probablement pour d’autres aspects : la communauté qui s’est formée autour de l’œuvre (le « fandom« , littéralement « royaume des fans »), les commentaires gentils laissés sous les fanfictions, les amitiés nouées, et même… la passion de l’écriture ! C’est lorsque cette dernière étincelle jaillit chez un auteur de fanfiction qu’il devient généralement un auteur tout court, et qu’il ne lâche plus jamais le clavier.

Enfin, un dernier point un peu à part, qui mériterait plusieurs articles à lui tout seul : la fanfiction est souvent un repaire confortable pour les jeunes (et moins jeunes) LGBT+, en quête d’une représentation peu présente dans les médias traditionnels. La fanfiction leur permet d’écrire et de lire des histoires auxquelles ils peuvent s’identifier, avec des personnages qu’ils apprécient déjà.

Quel intérêt pour un jeune auteur ?

Très souvent, les gens se mettent à écrire des fanfictions à l’adolescence, même si certains ne commencent à s’y intéresser qu’à l’âge adulte (j’imagine que c’est une question de découverte du « bon » fandom).

Certains d’entre eux s’amuseront un temps avec leurs univers préférés, avant de passer à autre chose. Ils finiront par délaisser la fanfiction pour s’intéresser à un plus gros morceau : les romans originaux, avec leurs idées et personnages propres.

D’autres se contenteront de rester dans ces univers confortables, et il n’y a aucun mal à cela ! Il est également possible de jongler entre les deux : un peu de fanfiction, un peu de romans plus classiques (à titre personnel, c’est ce vers quoi je tends).

Le fait d’avoir une communauté centrée sur un intérêt commun permet aussi d’avoir des lecteurs plus facilement qu’en partant d’une histoire originale. Cette atmosphère de fourmilière est assez stimulante. En effet, il est tout de même plus motivant d’avoir des retours sur ce qu’on écrit ! Surtout au début. Personnellement, je pense que c’est grâce à la fanfiction que j’ai persévéré dans l’écriture. Sans cela, je n’aurai jamais eu le courage de m’améliorer.

La fanfiction permet également une liberté d’expérimentation que j’ai rarement vue ailleurs. Il est possible de faire des textes longs, courts, des trilogies de 900 000 mots, ou même de se lancer des défis : par exemple, d’écrire un texte complet à la deuxième personne du singulier. Évidemment, tout cela est possible ailleurs que dans les fanfictions, mais c’est pourtant là que j’ai vu le plus de liberté de tons et de styles. C’est un immense bac à sable !

Bref, vous l’aurez compris, c’est un environnement qui permet aux auteurs d’expérimenter, d’apprendre, de se lire mutuellement et de s’entraider, tout en parlant des personnages et des univers qu’ils aiment. Quel mal y a-t-il à cela ?

Cet article ne fait qu’effleurer la surface. Il y a bien des aspects critiquables (et critiqués) à la fanfiction, parfois à juste titre. Je reviendrai évidemment sur le sujet. Le but de ce premier article est de fournir les clés aux personnes qui ne sont pas du tout familières de cet univers complexe.

Et vous, quelles sont vos expériences avec la fanfiction ? Y a-t-il des sujets que vous souhaiteriez voir aborder dans un prochain article ? Les commentaires vous attendent à bras ouverts !

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