Fanfictions et auteurs : la question compliquée

16 mars 2022

Dans mon précédent article, je vous faisais un état des lieux assez élogieux de la fanfiction, en donnant une définition globale de ce genre littéraire à part entière.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la façon dont la fanfiction gravite autour du monde de l’édition. Les auteurs de romans voient-ils d’un bon œil les fans qui s’approprient leurs œuvres ? Est-ce seulement légal ? Quels reproches pourrait-on faire à ceux qui en écrivent ?

Vous commencez peut-être à me connaître : j’écris moi-même de la fanfiction et j’ai un avis bienveillant sur le sujet. Je vais néanmoins tenter de nuancer mes propos, mais sachez que cet article ne sera pas nécessairement objectif.

Un flou légal

En résumé : C’est compliqué.

On pourrait encore répondre « oui, mais non » ou « non, mais oui ».

Bon, plus précisément : en France, les droits d’un auteur sur son œuvre sont protégés jusque 70 ans après sa mort. Au-delà, l’œuvre passe dans le domaine public. C’est d’ailleurs pour cela qu’on voit fleurir ces derniers temps une ribambelle de livres incluant Sherlock Holmes, le célèbre détective d’Arthur Conan Doyle. Les droits n’étant plus protégés, ces auteurs ne risquent donc rien à proposer sur les étalages des libraires des romans mettant en scène ce personnage, pourtant créé par quelqu’un d’autre.

Avant ce délai des 70 ans, il est illégal d’exploiter l’univers d’un auteur sans son accord ou l’accord du détenteur des droits (héritiers, maisons d’édition,…). Ainsi, les livres dérivés de Star Wars qui poursuivent l’univers étendu sont considérés comme légitimes, puisqu’approuvés par Disney et compagnie. En revanche, une fanfiction publiée en ligne sans l’accord de la compagnie serait, suivant ce principe, une violation de droit. Qu’importe que les secondes soient parfois d’aussi bonne ou de meilleure qualité que les premiers. Qu’importe également que, sur le plan créatif, l’exercice soit le même pour les auteurs « adoubés » et les autres (encore que les premiers bénéficient certainement de moins de liberté artistique, mais ne nous perdons pas en spéculation).

Oui, mais :

Ce principe est nuancé par plusieurs détails.

Le premier, et pas des moindres, est le principe du Fair Use : cette loi américaine apporte des exceptions aux droits d’un auteur sur son œuvre. Elle implique que l’usage de ladite œuvre est considéré comme loyal si elle n’a pas de valeur lucrative et qu’elle n’influe pas sur la valeur de l’œuvre protégée.

De plus, les détenteurs des droits n’ont pas tellement d’intérêt financier à empêcher les fanfictions de fleurir sur la toile, et risquent parfois de se mettre le fandom à dos en tentant de s’exprimer à ce sujet, comme ce fut le cas pour Georges R.R. Martin et Robin Hobb lorsqu’ils ont émis des réserves au sujet des fanfics de leurs œuvres. S’ensuivirent des diatribes outrées dans les commentaires de leurs blogs respectifs.

À l’inverse, il existe des auteurs qui encouragent fortement les fanfictions sur leurs œuvres. Ainsi, en 2015, le roman La Horde du Contrevent d’Alain Damasio faisait l’objet d’un concours de fanfictions organisé par sa maison d’édition. D’autres auteurs ont exprimé leur accord à ce sujet, comme Terry Pratchett ou Lois McMaster Bujold.

L’heure du point de vue personnel et subjectif :

Ben oui, c’est mon blog, je vais forcément mettre mon petit grain de sel à toutes ces opinions. Vous croyiez quoi ? Cependant, mon avis n’aura rien d’extraordinaire ni de scandaleux, navré de vous décevoir.

En quelques mots : à mon sens, la fanfiction devrait être encouragée, sauf dans les cas particuliers où les auteurs interdisent explicitement que l’on emprunte leur univers et leurs personnages.

Pour ma part, je vois les fanfics comme une infinité de petits mondes parallèles, similaires à l’œuvre dont elles sont inspirées, mais indépendantes. La lecture d’une fanfiction ne va pas influencer l’opinion que j’ai des personnages tels qu’ils ont été conçus par leur véritable auteur.

Néanmoins, certains auteurs n’ont pas la même opinion et voient la fanfic comme une intrusion indésirée dans leur univers. C’est leur droit. Je pense qu’il faut respecter cela, au moins par décence, même si l’on n’est pas d’accord avec cette vision.

Je suis contre, en revanche, le cas particulier des fanfictions écrites sur des personnes réelles (par exemple, des groupes de musique, comme c’est souvent le cas). Je trouve cette projection un peu malsaine, étant donné qu’il s’agit de personnes réelles, qui peuvent être heurtées par l’existence de ces textes. Ce n’est que mon opinion.

Je pense également que, bien qu’ils peuvent l’encourager, les auteurs ne devraient pas être trop impliqués dans leur communauté, au moins jusqu’à la fin de la publication de leur œuvre. Cela pourrait entraîner des quiproquos, comme l’affaire de Marion Zimmer Bradley aux États-Unis, qu’une fan a accusée de plagiat lorsqu’une idée de sa fanfiction s’est retrouvée dans un roman de l’autrice, qui prétendait à un hasard.

Les auteurs de fanfictions devenus auteurs tout court

Comme mentionné dans mon précédent article, des gens commencent par écrire de la fanfiction, puis se rapprochent petit à petit de l’écriture de romans originaux.

C’est un fait, certains auteurs de fanfiction ont fini par publier des livres. Je ne m’attarderai pas sur l’exemple le plus tristement célèbre, que vous connaissez tous (indice : un livre avec beaucoup de cordes, inspiré d’un livre avec beaucoup de canines pointues).

Christelle Dabos, l’autrice de la Passe-Miroir, ne cache pas avoir écrit des histoires sur Harry Potter par le passé.

Sans oublier le romancier anglais Neil Gaiman, qui raconte avoir déjà participé à des concours de fanfiction dans sa jeunesse.

« J’ai gagné un Hugo Award avec une fanfiction de Sherlock Holmes / H.P. Lovecraft, donc je suis pour. »

Alors, c’est bien ou c’est pas bien ?

Quel que soit notre avis sur la fanfiction, on ne peut en nier ni les répercussions positives ni les dérives malheureuses. C’est un milieu très gris, au final, comme tout genre littéraire.

Il y aura toujours des gens pour ne pas respecter les volontés des auteurs, ainsi que des cas tels que l’affaire de Marion Zimmer Bradley (quoique cette dernière ait servi d’avertissement à nombre de jeunes auteurs). Il serait malavisé de condamner tous les auteurs de fanfictions pour ces quelques exemples malheureux.

Au final, peu importe que la fanfiction soit « votre truc » ou non, que vous « compreniez » ou pas, je vois très peu de raisons d’être foncièrement contre, tant que cela ne fait de mal à personne.

Bref, une histoire de mesure, encore une fois !

Et vous, quelle est votre opinion ? Des nuances à ajouter au débat ? L’espace commentaire est fait pour ça !

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