Le droit de mal parler

13 octobre 2022

Je vais vous avouer quelque chose. (Eh oui, encore. Il faudra veiller à ce que ça ne devienne pas redondant…)

Je fais des fautes de français. Tout le temps. À l’oral en particulier. Moins à l’écrit, mais ça m’arrive : sur mes réseaux sociaux personnels, dans des conversations Discord entre potes, ou aussi, sûrement… Sur ce blog, même si je n’espère pas !

Lorsqu’il s’agit d’un message sans conséquence, envoyé à un ami ou aux 90 followers qui lisent mes histoires de chats, de ménage et autres anecdotes assommantes… Je ne me corrige pas ! Je ne supprime pas le message pour le reformuler, je ne rajoute même pas un petit astérisque en dessous pour corriger l’orthographe d’un mot. Tant que les gens comprennent !

Lorsque je fais des fautes dans le cadre de mon activité professionnelle, c’est plus gênant, bien entendu. Comment se fier à un correcteur qui ne repère pas ses propres fautes de frappe ? … Je vous ai déjà dit que l’on ne se relit jamais bien soi-même ? Même les correcteurs ont besoin de correcteurs !

À l’oral, j’ai parfois du mal à trouver des mots, ou bien j’en confonds. Ma langue essaie d’aller plus vite que ma pensée. C’est le cas de tout le monde, non ? Je fais partie du commun des mortels.

Et puis, il y a le registre de langage. Ma façon de parler fait partie de moi. Mes « erreurs », mes tics de langage, les néologismes, la vulgarité, … Évidemment, je m’adapte à mon auditoire. Il n’est pas question de parler de la même façon à un ami ou à un patron. Tout est question de dosage !

Je ne viens pas d’un milieu très éduqué. J’ai été dans un collège avec plus de chahuteurs que de bons élèves, et j’étais parmi les meilleurs élèves de ma classe, du moins en français (ce qui compensait mes notes catastrophiques en maths, bon…). Je lis. Beaucoup. Du moins, j’ai beaucoup lu durant mon adolescence. Par-dessus tout : j’écris et je suis correcteur. Et pourtant, jamais je ne parlerais un langage particulièrement soutenu, ou fleuri, jamais je n’articulerais parfaitement chaque mots… Et je n’en ai pas envie !

Vous devez vous dire que je mélange tout : registre de langue (familier ou soutenu), orthographe, grammaire, lapsus… C’est parce que tout cela, à mon sens, fait partie du même « problème » : de ce que les gens considèrent comme étant « mal parler ».

Pour beaucoup de gens, la façon de s’exprimer est corrélée avec un certain niveau d’intelligence ou d’éducation. Il n’y a qu’à voir certaines réparties dans les débats, notamment sur les réseaux sociaux. Beaucoup refusent d’accepter l’argument de l’autre parti si celui-ci contient une faute, que ce soit d’orthographe ou de formulation. La forme avant le fond !

Comme je vous le disais, je ne viens pas d’une classe sociale très aisée. Là d’où je viens, beaucoup de gens parlent « mal ». Et vous savez quoi ? Ils s’en excusent ! J’ai déjà entendu des gens me dire sur un ton plein de honte « Oh, je ne suis pas très doué en français » ou « Oh, je ne sais pas comment dire, mais… ». Ces personnes n’ont pourtant pas un raisonnement plus stupide que les autres. Très loin de là, souvent. Mais cette honte est toujours présente avec elles, et c’est bien dommage.

Elles seront moins écoutées, moins lues. On verra un participe passé à la place d’un infinitif et on soupirera. On entendra une faute de temps à l’oral (« Si j’aurais ») et on froncera les sourcils, décidant à l’avance de la pertinence du discours.

Cela fait partie de ce que l’on appelle le mépris de classe. Je ne rentrerais pas dans des détails sociologiques, mais il est prouvé que le niveau de langage est souvent moins élevé chez les personnes précaires que dans les milieux aisés (et même ce terme, « moins élevé » suinte le mépris, mais à défaut d’un vocabulaire adéquat…).

Encore une fois : rien à voir avec l’intelligence ! Ni avec l’éducation d’ailleurs : j’ai vu beaucoup de gens faire des études supérieures et être complètement nuls en français. Bon, eh bien, quelqu’un les relis, et puis voilà. Quel est le drame ?

Alors, oui, il est important de préserver un « socle commun » de la langue, afin de pouvoir se comprendre. Il est important d’avoir certaines règles. C’est pour ça que les fautes sont inadmissibles… Dans un cadre officiel ! Oui, quand je vois un livre publié, ou tout autre média, jeux vidéo, emballage de biscuit, communiqué officiel, ect, qui comporte des fautes, je suis en colère, car c’est un manque de professionnalisme.

… Mais pour des gens qui s’expriment en leur nom propre, en privé ou en public ? Quel est le mal ?

Pour finir, j’aimerais préciser quelque chose pour les auteurs, notamment ceux qui écrivent sur des ados ou des jeunes adultes : Vos personnages ont le droit de mal parler ! Les miens utilisent des gros mots, des contractions dans leurs phrases, mâchent leurs mots… Comme dans la vraie vie, quoi. Je ne crois pas à une prétendue « beauté littéraire » au détriment du réalisme. Même dans un contexte de fantasy, vous savez, ils ont le droit de s’exprimer de façon familière ! Tous les elfes n’ont pas à s’exprimer comme ceux du Seigneur des Anneaux (donnez-nous des elfes qui parlent en verlan, pitiééé).

Ne vous excusez pas de faire des fautes. Ne vous excusez pas de vous exprimer dans un français imparfait. Ni d’écrire « mal ». Il y a des gens pour vous relire si vous en avez besoin (et je suis persuadé que tout le monde a en besoin, de toute façon). Tout va bien se passer. Vraiment.

Et si vous faites partie des gens qui jugent les autres sur leur façon de parler : Je ne me fatiguerais pas à vous convaincre davantage. Vous ne valez pas mon temps.

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